mercredi 15 octobre 2014
Le casse-tête du budget
Tout doucement, on approche du moment fatidique ou rigolo (selon le point de vue) où la France va présenter son budget aux institutions européennes. En attendant, la tension est déjà palpable entre les membres du gouvernement concernés par cette délicate opération de communication et la majorité parlementaire, de plus en plus raide à l’idée de voter un budget pas assez dépensier à son goût… Tout indique que le prochain budget, qui s’annonçait délicat, va être un véritable casse-tête politico-économique.
Bien sûr, c’en est un parce que Sapin et Eckert, les deux ministres responsables de l’usine à gaz, vont devoir faire face à de violentes critiques de la part de l’opposition, c’est attendu, mais aussi d’une part de la gauche, aussi bien chez les députés socialistes, voire les radicaux de gauche que plus largement, chez les écologistes et autres extrémistes. Les critiques des uns vont donc s’ajouter aux critiques des autres pour ce qui s’annonce déjà comme l’explication de texte la plus délicate que vont devoir mener nos deux financiers improvisés.
Bien sûr, c’en est un parce qu’en plus de l’opposition interne, le gouvernement va devoir faire face à une opposition externe de plus en plus aiguisée. Évidemment, la Commission Européenne l’attend au tournant et même si on peut raisonnablement penser qu’elle ne refusera pas ouvertement le budget, on imagine sans mal qu’elle émettra quelques recommandations fermes allant dans le sens d’une désapprobation toute diplomatiquement tournée. Mais en plus de la Commission, Hollande et sa clique doivent à présent composer avec les agences de notations : Standard & Poor, s’inquiètant de déficits publics « plus dégradés que prévus », a mis le pays sous« perspective négative », ce qui implique que le pays pourrait voir sa note dégradée (et avec, ses perspectives d’emprunter à bon taux sur les marchés financiers). Apparemment, les « réformes » (guillemets de rigueur) dont se gargarisent Hollande, Macron ou Valls semblent n’avoir pas réussi à convaincre l’agence américaine pour qui« la stabilisation de la dette a été repoussée » (non, sans blague ?)…
Bien sûr, c’en est un parce que toute demande supplémentaire de délai avant de revenir à un équilibre parfaitement chimérique ou, plus simplement, dans les clous des traités, se heurtera aux avis de plus en plus négatifs de l’Eurogroupe qui estime, par la voix de son président, Jeroen Dijsselbloem, avoir « l’impression que le projet de budget de la France est assez loin de l’objectif, à la fois en termes de déficit nominal et de mesures effectives, concernant le déficit structurel et le nombre et la qualité des réformes qui doivent être réalisées », ce qui est une autre façon de dire que le moquage de visage a assez duré. Pour lui, une question demeure : comment a été utilisé le délai de deux ans accordé à Paris en 2013 pour redresser ses finances ? À vrai dire, c’est une question que se posent pas mal de Français dont certains se disent sans doute qu’il est passé au même endroit que les dizaines de milliards d’impôts supplémentaires récoltés entretemps et dont les effets attendent toujours d’être visibles.
Bien sûr, c’en est un parce que l’État n’a plus une thune de côté et doit composer avec des pressions de plus en plus fortes de tous les côtés. Oh, il tente bien de s’offrir quelques marges de manœuvres en vendant ce qui l’encombre. À ce sujet, aller de temps en temps sur les Cessions Immobilières de l’État permet de constater que le rythme ne faiblit pas et si ces ventes sont aussi discrètes que possibles, elles n’en sont pas moins nombreuses. En outre, les petits retours d’ascenseurs de l’Union Européenne (ici, sous la forme d’une aide pour l’emploi, de 6 milliards sur six ans à peu près) aident à atténuer les effets des coupes sur les agrafeuses, les post-its et les pleins d’essence, devenues emblématiques des « efforts structurels » et autre « austérité » que le gouvernement s’inflige pour faire croire à tout le monde que les coupes claires sont là.
Mais surtout, ce budget est un casse-tête monumental parce qu’il veut cacher l’essentiel. En présentant à la face du monde (et de la Commission Européenne) de mirobolantes économies (21 milliards, qu’on vous dit, mais si, c’est vrai !) grappillées à la force du poignet en allant asticoter chaque service de l’administration centrale et de chaque ministère, on s’efforce de montrer à tous qu’on a été chercher tout ce qu’il était humainement possible d’aller récupérer, et surtout, on camoufle plus ou moins habilement les hausses assez roboratives des dépenses de toutes les autres administrations, locales notamment, qui viennent furieusement gréver la très fragile santé financière du pays.
En gros, pendant que l’État fait presque mine d’économiser quelques milliards, les collectivités locales s’empressent, dans une espèce de petit jeu sordide de vases communicants, de dépenser ce qui ne l’a pas été par l’État. Redoublant d’inventivité pour créer des postes de personnel et de dépenses diverses, ces administrations locales ont ainsi cumulé 9,2 milliards d’euros de déficits en 2013, véritable explosion par rapport à une déjà fort malsaine habitude constatée en 2012 de cramer autour de 3,7 milliards de trop. Entre la masse salariale qui a grimpé de plus de 3% tant en 2012 qu’en 2013, et les dépenses d’investissement qui flirtent avec les 8% du mauvais côté du chiffre, on sent nettement que si l’État central a fait grise mine, la fête du slip territorial a battu son plein depuis l’arrivée de la gauche au pouvoir. Et bien sûr, on ne s’étonnera donc pas de trouver ces administrations incontinentes, vent debout contre les coupes à hauteur de 3,7 milliards d’euros qui sont officiellement prévues en 2015.
Toute cette agitation est très mignonne : on transfère, plus ou moins discrètement, les dettes d’un poste à l’autre, on baratine un peu pour enrober les petits désagréments que la réduction du budget photocopie entraîne immanquablement, et on pleurniche à qui veut l’entendre qu’ « on est à l’os », qu’on ne peut plus rien faire de mieux. En substance, tout ceci consiste à ne rien toucher au modèle social qui a fait de la France ce qu’elle est actuellement.
Jusqu’à présent, l’État avait acheté la paix sociale en appauvrissant les classes moyennes et endettant les générations futures, celles qui sont si importantes lorsqu’il s’agit d’écologie et sur lesquelles on peut rouler joyeusement à coup de vélibs lourdauds quand il s’agit d’économie et d’équilibres budgétaires. Maintenant que cet État est sous la loupe des marchés financiers, de l’Europe et des agences de notation, ce sont les collectivités locales qui prennent le relais pour faire exactement les mêmes opérations, creuser les déficits, faire du social sur le dos du contribuable et tout le tralala habituel d’arrosage de pognon à fins électoralistes éhontées.
Le souci, comme toujours avec le socialisme et la distribution d’argent gratuit, c’est qu’on arrive gentiment à la fin du tour de manège et qu’il va inévitablement manquer d’argent des autres. La paix sociale française, achetée de longue date par ces procédés socialistes faciles, risque bien de n’y plus trouver son compte. Et là, les marges de manœuvres, déjà fort étroites pour Sapin, Macron, Eckert et Hollande, vont disparaître subitement.
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