vendredi 26 septembre 2014
Politique française : plutôt que la guerre des chefs, la liberté !
Quand le pays a besoin de vérité et de lucidité, on lui offre la guerre des chefs, à droite comme à gauche. Et au centre comme aux extrêmes.
Six millions de chômeurs, un déficit budgétaire de plus de 4%, l’insécurité domestique et le terrorisme international, le déchaînement de la violence et de la haine au sein de la société, les menaces sur la famille et l’éducation.
Mais pendant ce temps-là, la presse nous donne les nouvelles excitantes d’une France qui vit à l’heure de ses universités d’été, où l’on spécule sur le retrait de Hollande et le retour de Sarkozy. On vit à l’heure de 2017, sans doute pour ne pas voir ce qui se passe en 2014. Et l’on établit la stratégie (ou ce que l’on tient pour telle) à partir des 37 % de Madame Le Pen contre les 25% de Monsieur Hollande (dont on suppose bien évidemment qu’il sera le candidat de la gauche unie) et les 42% de Monsieur Sarkozy (dont on suppose qu’il est obligatoirement le seul candidat possible de la droite). Des sondages se multiplient pour savoir quel candidat aura les suffrages des Français en 2017. C’est à mes yeux totalement décalé, révoltant, immoral et imbécile.
Quand le pays a besoin de vérité et de lucidité, on lui offre la guerre des chefs, à droite comme à gauche. Et au centre comme aux extrêmes. L’arithmétique électorale est le passe-temps favori de la classe politique, à croire que c’est tout ce qu’elle sait faire.
Cette hérésie n’est pas surprenante, mais elle est consternante.
Elle n’est pas surprenante avec le régime constitutionnel que s’est donné la Vème République. Dans une monarchie absolue, la classe politique passe son temps à chercher le monarque, elle est encouragée dans cette voie par la nullité du roi actuel, même s’il ne veut pas démissionner. Mais cette constitution traduit en fait l’idolâtrie séculaire que le peuple français voue au chef, à l’homme providentiel. Le peuple adore le pouvoir et celui qui incarne le pouvoir. De Charlemagne à Louis XIV, de Bonaparte à De Gaulle, c’est le chef qu’on vénère, quitte à le condamner à mort de temps en temps. Le peuple a remis son sort entre les mains du despote ; c’est dire que l’on est loin de la démocratie la plus élémentaire – ce qui n’empêche pas de tenir des discours enflammés sur la démocratie, les valeurs républicaines, les droits de l’homme et autres belles références.
Mais cette hérésie est consternante. Elle interdit tout exercice de réflexion politique en dehors de la prospective électorale. Elle dispense de tout programme : c’est le grand chef qui dira ce qui est à faire, et il fera pour le mieux. J’aimerais bien savoir sur quel critère certains Français se sont prononcés au cours des précédentes élections générales. Sortir les sortants : c’est un programme formidable. Barrer la route à la gauche (ou à la droite) : c’est un programme constructif. En finir avec la crise et le chômage : c’est un programme utopique car l’État n’offre pas de solution, lui qui est à l’origine du problème. En fin de compte, c’est l’art de paraître qui fait la différence. La communication tient lieu de convictions.
Il se trouve de plus qu’il y a souvent contradiction entre la sympathie qu’inspire le chef et la pertinence de son action. Bien sûr, pour la forme, il y aura des propositions faites aux électeurs. Mais elles ne sont que très rarement mises en application. Quel électeur de Chirac, Sarkozy ou Hollande a-t-il été comblé par la politique menée pendant leurs mandats ? Puisque Sarkozy tient aujourd’hui la vedette, peut-on se poser quelques questions au sujet de son action ? Qui a révisé le code du travail et a oublié de supprimer la durée légale du travail hebdomadaire ? Qui a mené le G 20 sur la route de la relance et du retour de l’État pour lutter contre la crise dénoncée comme crise du système capitaliste et la mondialisation ? Qui a donné à Poutine les armes tactiques pour asservir la Géorgie et reconstituer l’URSS ? Qui a développé le thème du « patriotisme économique » bien avant Montebourg ? Qui a organisé le Grenelle de l’environnement et son cortège de réglementation et de subventions bien avant Duflot ? Qui a demandé chaque année un moratoire pour honorer les engagements pris en matière de discipline budgétaire bien avant Moscovici ? Qui a fait un coup d’éclat en Libye et applaudi aux printemps arabes ? Qui a créé plus de soixante impôts nouveaux ?
Je ne veux pas faire un procès d’intention à Nicolas Sarkozy. Il n’avait pas promis grand-chose et le peu qu’il avait promis n’a pas été fait. Mais il était dans la logique du système de démocratie à la française : chèque en blanc au Président. Tous au Fouquet’s… C’est pourquoi je m’adresse aujourd’hui à lui, comme aux autres : faites-nous connaître au plus tôt votre programme. Comme le disait Jacques Rueff : « Soyez libéraux, soyez socialistes, mais dites la vérité ». Or, depuis des décennies, les politiques que vous avez menées ont été illisibles.
Je m’adresse aussi aux Français : ne jugez plus un candidat sur son apparence, n’allez pas vers lui au prétexte qu’il est le mieux placé, ou le meilleur rempart, ou le plus courageux, exigez avant tout qu’il vous fasse connaître ses convictions et son programme. Le programme traduit concrètement un choix de société : voulez-vous l’étatisme, le dirigisme, ou la liberté ? Voulez-vous le collectivisme et le « modèle social français » ou les droits individuels et la liberté ? Voulez-vous restreindre la propriété ou honorer la réussite et récompenser le mérite ? Ces questions simples, et d’autres, ne sont jamais évoquées. Elles obligeraient pourtant les candidats à faire connaître leurs convictions profondes. Beaucoup seraient gênés, faute de conviction autre que leur désir d’accéder au pouvoir.
Il appartient aux libéraux français de rompre avec la tradition et de harceler la classe politique et les candidats pour qu’ils disent enfin la vérité sur leurs projets. Il nous intéresse de savoir quel sort ils réservent à la liberté.
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