TOUT EST DIT

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lundi 1 juillet 2013

Fillon-Sarkozy : le match commence


L'ancien président et le député de Paris ne se parlent plus que par l'intermédiaire de leurs entourages. Enquête sur une rivalité.
"Je suis toujours affûté!" Dans ses bureaux de la rue de Miromesnil, Nicolas Sarkozy reçoit ce jour-là en short et en baskets. Rien ne semble entamer sa sérénité. Ni la mise en examen de Bernard Tapie. Ni le vote des militants UMP qui s'apprêtent à inscrire dans les statuts du parti le principe des primaires.
Reconverti en conférencier international - il était à Londres vendredi pour le compte de la Deutsch Bank -, l'ancien président jure qu'il est débordé. Son carnet de bal est complet jusqu'à la fin de l'année : des déplacements sur tous les continents et des rendez-vous à Paris dans ses bureaux parisiens où il reçoit, par grappes, députés, sénateurs et candidats aux municipales. Mercredi, il a même accueilli, pour la première fois, une dizaine de membres de l'association de ses amis, sélectionnés par Nadine Morano. Officiellement, il ne prépare pas son retour. Il se dit "très heureux" dans sa nouvelle vie, loin de la politique, et n'a pas l'intention de rompre son vœu de silence avant "au moins un an".
Il savoure les sondages de plus en plus encourageants et observe - avec gourmandise - la dégringolade de François Hollande. Selon lui, la France est au bord du chaos. Jamais, répète-t-il devant ses visiteurs, le pays n'a été aussi tendu. Pour l'heure, seule la rivalité avec Fillon le contrarie. En fonction de l'interlocuteur qu'il a en face de lui, il pousse plus ou moins le curseur des critiques contre son ex-Premier ministre. Le langage est parfois fleuri dans la bouche de celui qui reste un animal politique. "Fillon traite Copé de mafieux puis déjeune avec lui. Faudrait savoir !", confie-t-il à un proche. "François crispe la droite", dit-il à un autre. "Au fond, François veut que je revienne. Ça doit être psychologique", ironise-t-il devant un autre. L'ex-président n'a pas digéré les critiques de François Fillon dans le documentaire de Franz-Olivier Giesbert, diffusé sur France 3 le 8 mai.

"Sarkozy, c'est comme certaines nuits d'amour : t'as pas forcément envie de recommencer"

S'il dément l'écriture d'un livre, Sarkozy se prépare sans le dire. Les choses se mettraient en place de façon "inéluctable" répète-t-il à ses visiteurs sans les éclairer sur la ligne politique de son come-back. À ceux qui lui reprochent sa proximité avec Patrick Buisson, il réplique qu'il n'a jamais eu de gourou. Mais assume préférer recevoir les "conseils" de Patrick Buisson que ceux de Roselyne Bachelot.
Avec Fillon, la rupture est consommée, les deux hommes ne se sont plus vus depuis la fin du mois d'avril. Aucun des deux non plus n'a pris la peine de décrocher son téléphone. Mais les coups partent, d'un camp comme de l'autre. "Le pays tout entier n'est pas en train d'attendre Sarkozy comme le messie", lance Fillon. De son côté, le fidèle ami de Sarkozy, Brice Hortefeux s'amuse de "la promenade de Fillon", comme si la précampagne du député de Paris n'était qu'une manière de chauffer la salle. L'ancien ministre n'a toujours pas digéré la sortie du député de Paris "sur la différence d'approche irréconciliable" sur le FN entre les deux hommes : "Fillon n'a jamais rien fait contre le FN. Nicolas Sarkozy a failli le faire disparaître", s'exclame-t-il. Patrick Balkany raconte, lui, avoir téléphoné à l'ex de l'Élysée après le passage de Fillon sur France 2 : "J'ai dit à Nicolas que j'étais le dernier spectateur devant la télé et encore, c'est parce que je m'étais endormi". Un autre sarkozyste poursuit : "J'ai du mal à imaginer François Fillon avoir le courage de défier Nicolas Sarkozy en vrai." À ces amabilités, un ancien ministre filloniste répond : "En même temps, Sarkozy, c'est comme certaines nuits d'amour : t'as pas forcément envie de recommencer."
En attendant, l'agacement de Sarkozy est sans doute l'un des meilleurs carburants d'un ex-Premier ministre qui peine souvent à montrer "son envie" de France. "Oui, même si tout cela était prévu et prévisible, ce qu'il entend venant de la rue de Miromesnil est un moteur", confirme le député Pierre Lellouche.

Fillon en déplacement au Liban la semaine prochain

Poussé, Fillon multiplie donc les petites provocations. Évoque cette semaine, dans une interview à La Montagne, "notre quinquennat", en parlant de Sarkozy et de lui. Et développe dans sa précampagne le thème du "progrès". "C'était notre idée", a-t-on bondi dans l'entourage de l'ex-président. "Si cette question le passionnait tellement, pourquoi Nicolas Sarkozy n'en a-t-il pas fait le thème central de sa dernière campagne présidentielle?", réplique-t-on côté Fillon où l'on reconnaît avoir décidé "d'accélérer sur le sujet". "Faut se méfier du Sarthois teigneux", s'amuse un filloniste.
Un "Sarthois teigneux" qui s’organise. Son nouveau site internet doit être prêt en début de semaine. D’ici la fin de l’été, tous les responsables départementaux de son écurie, Force républicaine, auront été nommés. Il va aussi lancer des ateliers thématiques, sur une durée déterminée, coordonnés par une équipe de bénévoles pour préparer son programme pour les primaires de 2016. "Ils seront composés de politiques, mais aussi de représentants de la société civile", explique le député Jérôme Chartier. Les amis de Nicolas Sarkozy s’organisent aussi. Ils se retrouveront à la fin de l’été sur le bassin d’Arcachon.
En parallèle, Fillon, qui semble décidé à tenter d’attirer toutes les lumières sur lui, multiplie les déplacements. Il a prévu de se rendre au Liban, à partir de jeudi, pour quatre jours. Un voyage aux allures de visite d’État, puisque Fillon rencontrera sur place toutes les autorités de ce pays francophone. Avant, il aura tenu, mardi, un meeting dans les Hauts-de-Seine. Pas de quoi apaiser les esprits. Cet été, l’ex de Matignon a programmé des vacances françaises, dans son manoir de Beaucé, avec au programme l’écriture d’un livre. Avant sa rentrée politique, prévue elle aussi dans la Sarthe. Le duel à distance s’installe. Jeudi, un militant UMP visiblement peu au fait de ce match a benoîtement tendu une pochette du dernier disque de Carla Bruni à François Fillon : "Vous voudrez bien lui demander une dédicace pour ma femme, monsieur le Premier ministre?" L’ancien "collaborateur" a souri.

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