Les ministres des Finances des vingt pays les plus riches, qui ont achevé leur réunion à Moscou, se sont montrés plus souples dans leurs politiques de rigueur budgétaire. Ils excluent toute «guerre des monnaies».
dimanche 17 février 2013
Le G20 redoute le risque d'une récession mondiale
«Des risques importants persistent et la croissance mondiale est toujours trop faible avec le chômage persistant à un niveau élevé inacceptable dans de nombreux pays». Tel est l'avertissement que les ministres des Finances et les gouverneurs des banques centrales des vingt pays les plus riches du monde ont formulé dans leur communiqué à l'issue de leur réunion, sous présidence russe, samedi à Moscou.
Certes, le FMI (Fonds monétaire international) vient de relever sa prévision de croissance pour le monde en 2013 de 3,25% à 3,5%, a souligné le ministre russe des Finances, Anton Silouanov. «Mais si nous échouons à rester sur cette note positive, il y a un danger à revenir à une récession», a-t-il mis en garde. En écho, le ministre Pierre Moscovici s'est félicité que «le projecteur ne soit plus braqué sur la zone euro» et «sa capacité à survivre» mais rejoint le diagnostic collectif sur «la croissance faible» et «l'emploi faible» comme étant les principaux risques pesant sur l'économie mondiale. Dans le premier paragraphe du communiqué, les deux pays explicitement cités, pour les «incertitudes liées à leur situation budgétaire» sont les Etats-Unis et le Japon.
Dans ce contexte, les pays du G20 ont quelque peu levé le pied sur les objectifs de réduction des déficits budgétaires et de dettes publiques. «La prise en compte de la dégradation de l'économie doit nous permettre de ne pas ajouter de l'austérité à la récession», a commenté Pierre Moscovici. Son collègue russe a reconnu qu'en 2010, lorsque le G20 s'était engagé à Toronto à réduire de moitié les déficits d'ici 2013 «nos prévisions étaient assez optimistes». Les «engagements de Toronto» ne sont plus explicitement mentionnés dans la déclaration de Moscou. Les pays avancés du G20 présenteront pour le sommet des chefs d'Etat, prévu en septembre à Saint-Pétersbourg, «des stratégies budgétaires de moyen terme crédibles» «prenant en compte les conditions économiques de court terme», indique le communiqué. Pour la France, est-ce un blanc-seing a posteriori pour ne pas respecter son engagement d'un déficit limité à 3% du PIB cette année? Les conclusions du G20, a répondu Pierre Moscovici, montrent bien «que nous cherchons un équilibre entre le sérieux budgétaire auquel nous ne renonçons pas» et la nécessité «du maintien de la croissance à court terme». L'objectif d'un équilibre budgétaire en 2017, réaffirmé récemment par Jean-Marc Ayrault «est absolument intact», a insisté le patron de Bercy.
Dans la recherche d'un rééquilibrage mondial, le G20 appelle les pays «en surplus» (comme la Chine ou l'Allemagne) à «dynamiser leur croissance interne». Sont explicitement visés «les grands pays producteurs de matières premières», comme la Russie, ou l'Arabie saoudite, également membre du G20.
C'est également au nom de la préservation de la croissance que les pays du G20 se sont engagés à ne pas recourir «aux dévaluations compétitives». Prenant le relais du communiqué publié mardi par le G7 sur la «guerre des monnaies», le G20 s'engage à progresser «plus rapidement vers un système de taux de change déterminé par les marchés». En assurant que sa politique monétaire, à l'origine de l'inquiétude sur les dévaluations compétitives ces dernières semaines, le Japon «est en ligne avec notre vision des politiques de change», a diplomatiquement commenté le ministre russe.
Ainsi qu'a conclu Pierre Moscovici, «le G20 n'est pas une instance spectaculaire» mais le bon lieu avec les «bons interlocuteurs» pour débattre entre «anciennes et nouvelles puissances économiques» pour construire une «mondialisation plus régulée». Le G20 représente 90% du PIB mondial et 80% du commerce mondial.
Autres thèmes discutés au G20:
- Evasion fiscale des grandes entreprises
Sous l'impulsion conjointe de Londres, Paris et Berlin, l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) a publié en début de semaine unrapport décorticant les stratégies d'optimisation fiscale des multinationales dont Google est devenu le symbole, qui profitent des législations de pays comme l'Irlande, les Pays-Bas ou les paradis fiscaux. Les accords bilatéraux destinés à l'origine à éviter la double imposition des entreprises aboutit à «une double non imposition». «En période de difficulté, quand les Etats ont besoin de recettes, et que les grandes entreprises manquent à l'appel, le fardeau retombe sur les PME», a résumé samedi à Moscou Angel Gurria, le secrétaire général de l'OCDE. Le diagnostic est posé. La prochaine étape, la plus difficile, consiste à agir. L'OCDE présentera un plan d'action d'ici la prochaine réunion du G20 Finances, en juillet à Moscou. L'un des axes proposé est de réviser une partie des quelque 3000 traités fiscaux bilatéraux par une action multilatérale. Un chantier qui, selon l'OCDE, pourrait être mis en œuvre en deux ans.
La régulation financière se renforce à petit pas
L'importance de ce très vaste chantier s'est imposée aux yeux du monde après la crise financière. Le communiqué du G20 «demande instamment à toutes les juridictions» d'adopter les normes de Bâle III, qui renforcent la sécurité financière des banques, «le plus rapidement possible». Les Etats-Unis se sont engagés à les mettre en œuvre d'ici la fin de l'année, s'est félicité Christian Noyer, le gouverneur de la Banque de France. Pierre Moscovici qui était l'orateur principal du groupe de travail sur la régulation financière a cité en exemple la loi bancaire que l'Assemblée nationale a débattue en première lecture la veille de l'atterrissage du ministre à Moscou.
Par ailleurs, le Conseil de stabilisation financière (FSB en anglais), instance jusque là informelle rassemblant les ministres des Finances, les gouverneurs de banques centrales et les régulateurs des marchés des pays du G20 plus d'autres Etats comme Hongkong, a été doté le mois dernier d'un statut officiel. Son secrétariat est hébergé à Bâle par la Banque des réglements internationaux (BRI). Entre autres missions, ce bras armé financier du G20 a été chargé de veiller à éviter la réédition de manipulation sur les taux comme le Libor.
La réforme du FMI bloque
Parmi les chantiers entamés dans le cadre du G20 Finances, la réforme du Fonds monétaire international (FMI) destinée à donner davantage de poids aux pays émergents et en voie de développement, est bloquée. «Beaucoup de pays qui perdent des parts étaient contre» la réforme, a commenté le ministre russe Silouanov. D'après un journaliste brésilien, le Brésil se plaint de l'obstruction des Européens sur ce dossier. La révision des quote-parts qui aurait dû s'achever en janvier, est reportée d'un an. «Il faut tenir copte du changement du monde et du poids des émergents», a plaidé Anton Silouanov, l'hôte de la conférence.
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