TOUT EST DIT

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mercredi 7 avril 2010

École : la tentation du sanctuaire


En vingt ans, dix plans ! La violence à l'école devrait être, depuis longtemps, réduite à rien. Les plans se succèdent au rythme des faits divers les plus graves. À celui de Jospin succède celui de Bayrou, qui lance l'idée de « l'école sanctuaire ». Plans Allègre, Lang, Ferry, Darcos, on en oublie, et, aujourd'hui, Luc Chatel. Il convoque à Paris, ce matin, des états généraux. On sonne le tocsin face à l'insupportable litanie des bagarres entre élèves, viols, rackets, coups de couteau, règlements de comptes entre bandes, professeurs violentés.

Collèges et lycées ne sont pourtant pas, chaque matin, à feu et à sang. Les historiens de la chose observent avec une certaine philosophie que la violence scolaire est aussi vieille que l'école elle-même. Que, sous le célèbre Jules Ferry, on assistait à des révoltes massives contre le lycée caserne napoléonien et ses châtiments corporels. Il fallait que la maréchaussée s'en mêle. Simplement, cette violence, au gré des époques, change de registre et de nature.

Tenues pour simples faits divers, passées sous silence afin de préserver la réputation des établissements concernés, les « castagnes » scolaires sévères sont analysées comme des faits de société symbolisant tous les malaises de l'Éducation nationale. Les politiques se sentent sommés d'y répondre, face à l'inquiétude exacerbée des parents et des enseignants. C'est la règle désormais. Un fait divers médiatiquement retentissant engendre des déclarations martiales et tonitruantes, avec promesses miraculeuses. Portiques, fouilles, patrouilles, caméras... La violence ne passera pas, foi de ministre, même si, par ailleurs, par souci de gestion des finances publiques, le même ministre supprime postes de surveillants et d'enseignants. Et si le ministre n'y suffit pas, on lui adjoint un « Monsieur sécurité ».

Les plans se succèdent ainsi en vain, puisqu'à une question particulièrement complexe on offre des solutions de court terme, difficilement applicables. La première de toutes est la tentation du sanctuaire, façon Bayrou, ou plutôt de la ligne Maginot. La violence est extérieure à l'école : empêchons-la de passer. Barricadons-nous derrière nos grilles. L'établissement se métamorphose en bunker, ce qui a pour effet premier d'accroître l'autre violence, la violence interne, engendrée par un système très sélectif, qui trie les élèves et en oriente vers des filières professionnelles malheureusement dévalorisées. On observe ainsi la masse montante des jeunes décrocheurs, psychologiquement en souffrance, pour qui la violence, disent les spécialistes, est une réponse à leur propre angoisse.

L'autre illusion est de croire que cette question ne concerne, après tout, que les établissements des quartiers dits sensibles. Les statistiques affirment que la moitié des incidents les concernent. Mais on passe sous silence le fait majeur qui n'est pas la violence physique, mais toutes ces incivilités qui gâchent la vie scolaire et dépriment les enseignants.

Ce dont on parle le moins dans ce débat permanent sur les violences à l'école, c'est de l'essentiel, de l'affaiblissement de l'institution elle-même, de la dévalorisation des savoirs, des pertes d'autorité et de respect. Cet affaiblissement est accentué dans les établissements les plus fragiles, en banlieue, là où les enseignants, jeunes, souvent mal formés, ne restent pas. L'élève y est chez lui. Le professeur est de passage.

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