Daniel Cohn-Bendit explique au JDD les raisons pour lesquelles il ne "rêve pas de la présidentielle": "Je ne suis pas un Lider Maximo…"
Pourquoi, après votre succès aux européennes, ne plus être candidat à rien?
Parce que ma crédibilité politique, donc ma capacité à faire campagne sont liées à mon identité européenne. C’est ce qui me permet de faire la différence. Et si je me présentais, ce serait pour être candidat à quoi? A la mairie de Paris, de Béziers, de Marseille ou je ne sais quoi? Ça n’a aucun sens, j’ai été adjoint au maire à Francfort où je vis, j’ai déjà donné. En France, la seule élection qui fait la différence, c’est la présidentielle.
Donc vous présenterez-vous à la présidentielle?
Jouons le jeu. La prochaine présidentielle se passera à gauche dans le cadre d’une primaire. Si je me présente à cette primaire, c’est pour la gagner. C’est donc que je veux être le candidat de la gauche en 2012. Et si je le suis, c’est pour gagner l’élection et donc être président de la République et ça, no chance! Ce ne serait pas jouable, je n’aurai pas ma pêche habituelle, ma différence ça se verrait. Donc non, ça ne m’intéresse pas. Je ne suis pas un recours à gauche. Je ne sais pas qui sera le candidat de la gauche en 2012 mais ce sera quelqu’un de très différent de moi.
Que voulez-vous dire?
Ce sera quelqu’un qui rêve d’être président de la République depuis qu’il est petit, qui a une vision de chef, qui impose. Je ne suis pas comme ça. Fondamentalement, je ne suis pas un Lider Maximo. Je ne veux pas être ministre non plus. Il y a des trucs idiots. Mais imaginez une vie entourée de gardes du corps, je me suicide; imaginez que je ne sois plus libre, c’est impossible. Je ne veux pas être enfermé dans une institution. Les gens sur la plage, cet été, me disaient: "On aimerait bien un président de la République qu’on rencontre sur la plage." Mais si j’étais président, je ne serais plus sur la plage à côté de la maison, je ne prendrais plus le métro. Il y a deux exemples de politiques qui voulaient être des responsables de premier plan et des gens normaux: Olof Palme et il a été assassiné. Et la ministre des Affaires étrangères suédoise Anna Lindh, elle faisait ses courses dans un magasin, un débile l’a tuée, juste parce qu’elle voulait s’acheter une robe tranquille, sans garde du corps.
"Le PS est un corps amputé"
Donc vous lâchez les gens qui ont voté pour vous aux européennes?
Je n’en ai pas fini avec la France et la France n’en a pas fini avec moi. Mais je ne peux pas être autre chose que moi-même. Si j’avais un doute, ce serait lourd à porter. Si en me rasant le matin la joue droite, je me disais: "Ce serait bien d’être président", puis en me rasant la gauche "Oh non", ce serait dur! Mais là, je suis sincère. Et puis faut pas exagérer, dans le palmarès du JDD la semaine dernière, c’est Noah, Gad Elmaleh les plus populaires, je ne suis que 45e ou je ne sais quoi! Je comprends bien que le PS, Strauss-Kahn, Fabius, Aubry, Royal ne font plus rêver, mais 2012 ce sera sans moi.
Vous croyez toujours que les écologistes peuvent dépasser le PS?
Je ne crois pas qu’on puisse les dépasser. Dans une ou deux régions, avec des personnalités qu’on n’a pas encore trouvées, on peut faire jeu égal avec le PS. Mais les européennes resteront une exception. Ce que je crois profondément, en revanche, c’est que le projet de la social-démocratie est en panne, en France comme en Allemagne, en Italie, en Angleterre. Le projet du PS n’a plus de prise sur la société. Le PS est un corps amputé, amputé d’une aile radicale, l’extrême-gauche, d’une aile plus dynamique, plus moderne, l’écologie, et d’une aile plus républicaine, plus démocrate incarnée en France par Bayrou. Le PS est un corps incapable de retrouver une énergie nouvelle.
Donc Sarkozy sera réélu en 2012?
C’est un des grands problèmes. La droite a réussi à garder les valeurs de droite et à les moderniser. En même temps, la droite est complètement liée à un homme. Sarkozy fait un malaise vagal ou cardiaque, je n’en sais rien, et pendant deux heures, la droite est aux abois! La force de Sarko c’est lui, et c’est sa faiblesse. Tant qu’on ne lui oppose rien, il joue sur les faiblesses des autres. Il est malin, il demande à Rocard une contribution sur la taxe carbone. Mais qui, à part son ego, a empêché la direction du PS de demander à Rocard la même chose? Au PS, on n’essaie pas de faire fructifier les talents, on coupe et on découpe ! La seule chance d’une alternative à la droite, c’est que le PS change. S’il dit: "Voilà où on s’est trompé, voilà les valeurs à changer"; "On a compris, le projet dont on a besoin est en germe chez nous, et à Europe Ecologie, à l’extrême gauche et au MoDem", ça pourrait aller très vite. C’est le contraire de la maison commune d’Aubry, cette maison où on a une chambre de bonne pour les écolos, une chambre de bonne pour le Modem, et un sous-sol pour l’extrême gauche!
Vous plaidez toujours pour une alliance avec le MoDem, vous n’en voulez pas à Bayrou?
Non, je ne lui en veux pas. Quand on est dans une dynamique de l’erreur, on n’est pas soi-même. Bayrou s’est trompé, il a voulu être méchant. Je ne l’ai pas revu depuis les européennes. Des copains me disent: "Tu devrais l’appeler." Je dis: "Il pourrait m’appeler." C’est un peu la cour de récré. Le temps panse les plaies, on se verra bientôt. Son idée d’une refondation de la démocratie républicaine est une réalité dans la société française.
Courage fuyons avec cet agitateur inconséquent et stéril.
lundi 24 août 2009
Cohn-Bendit: "Je ne serai pas candidat en 2012"
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